La génétique au service du patrimoine fr La génétique au service du patrimoine fromager
La sélection des races laitières dans leurs terroirs d'origine a contribué à ancrer les fromages traditionnels dans une production durable.
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L'industrie laitière ne manque pas d'idées quand il s'agit d'innover. La France, pays des 365 fromages, n'en a pas pour autant perdu son âme. Parallèlement à la diversification de l'offre, le plateau des fromages régionaux, artisanaux ou fermiers a poursuivi lui aussi son développement. On dénombre plus de 500 fromages de ce type. Parmi eux, 50 appellations d'origine contrôlée dont 45 fromages, trois beurres et deux crèmes, devenant des appellations d'origine protégée (AOP) au terme d'une reconnaissance européenne.
« Nous bénéficions aujourd'hui encore d'un patrimoine fromager extrêmement varié, commente Vincent Vergne, maître fromageraffineur à Nîmes (Gard). Certains éleveurs ont su progresser dans un travail de sélection de “grandes” races en termes d'effectifs comme la montbéliarde, la normande ou la brune venue de Suisse. D'autres ont sauvegardé des races autochtones qui ont frôlé la disparition. Je pense par exemple à la vosgienne, indissociable du munster, ou à la bretonne pie noire et son gwell, un fromage ultra-frais remis au goût du jour. Le tryptique « un pays, une race, un fromage » demeure une valeur sûre tant au niveau de la qualité intrinsèque du produit que de l'image d'authenticité et de rêve qu'il véhicule auprès des consommateurs. »
Dans les montagnes de l'Est, les fromages AOC et les races autochtones sont depuis toujours intimement liés. La montbéliarde, seconde race laitière française, et la simmental sont à l'origine de la production des 56 000 t de comté, première AOC française en volume. Dans les Alpes, le lait de l'abondance et de la tarentaise est valorisé par une transformation en quatre AOP : beaufort, reblochon, abondance, tome des Bauges et les deux IGP, tomme et emmental de Savoie. Les performances de l'abondance ont séduit les éleveurs de l'Ariège, qui l'ont introduite dans les prairies d'altitude pour relancer une tomme des Pyrénées d'estive. Force est de constater que la réussite commerciale est au rendez-vous quand les cahiers des charges sont rigoureux : + 50 % de valorisation du lait par rapport au prix moyen national en abondance, beaufort et reblochon, + 20 % en zone comté.
« L'économie de certains systèmes est directement liée à l'utilisation de races autochtones, qui sont parfaitement adaptées à leur milieu, commente Albéric Valais, membre du Comité national des produits laitiers à l'Inao (1) et responsable de l'opération Normande 2050. L'objectif est de produire à échéance 2017 les quatre AOP Camembert, Neufchâtel, Pont-l'Evêque et Livarot avec 50 % de lait de race normande. Pour ce faire, des liens se sont créés entre l'organisme de la sélection de la race et les syndicats d'AOP. L'interdépendance entre les races et les produits de qualité génère un cercle vertueux. Nous serons aidés dans ces démarches par les nouveaux outils génétiques tels que la génomique et l'épigénétique. »
RÉVOLUTIONS GÉNÉTIQUES
A l'instar des trois grandes races françaises, dont l'évaluation génomique des femelles est devenue officielle en juin 2011, les races à plus faible effectif s'intéressent à cette technologie. Une étude de l'Inra conduite sur la brune, l'aubrac et la tarentaise témoigne de la réactivité des acteurs de la sélection de ces trois races. Pour la tarentaise, qui a le plus petit schéma de sélection, et dont l'organisation de la sélection est réalisée en étroite collaboration avec le centre d'insémination et les syndicats de défense fromagère, cette nouvelle technologie serait particulièrement intéressante pour sa rapidité de sélection des taureaux. Elle permettrait d'augmenter le nombre de mâles diffusés. La possibilité de sexer les semences pallierait aussi le problème de pénurie de femelles.
Autre champ d'investigation porteur d'avenir pour la sélection bovine : l'épigénétique. Cette technique offre la possibilité de décrypter le fonctionnement du génome en tenant compte de l'influence de l'environnement. Tous les caractères d'intérêt zootechnique, que ce soit la fertilité, la production laitière ou encore le développement musculaire, sont fortement influencés par l'environnement. On considère que les caractères d'intérêt économique ont une héritabilité maximale de 20 à 30 %. L'épigénétique offre la possibilité de comprendre, de mesurer et donc de contrôler la part « environnement », qui participe à la construction du phénotype. De quoi conforter dans leur choix les AOP, qui imposent des animaux nés et élevés dans la zone de l'appellation.
(1) Institut national de l'origine et de la qualité.
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